(*) Allocataire de recherche à l'INED
(**) Chargée de recherche à l'INED
La transition de la fécondité n'a débuté que récemment en Afrique
sub-saharienne. Dans la plupart des pays les niveaux de fécondité restent élevés. Dans
certains cas, comme au Mali et au Burkina Faso traités ici, aucune baisse de la
fécondité n'a encore été enregistrée. On a souvent dit que c'est le peu d'efficacité
des services de planification familiale qui expliquerait la persistance des niveaux
élevés de fécondité dans cette région. En effet, la demande de contraception semble
exister : il a été estimé qu'une part importante des femmes (un femme mariée sur
quatre) souffrait d'un "besoin insatisfait de planification familiale". Mais une
telle estimation, centrée sur les femmes, est-elle réellement un bon indicateur du
potentiel d'utilisation de la contraception dans ces sociétés patriarcales ? Quelle
est la demande de contraception de la part des hommes ? Peut-on considérer qu'il
existe un projet commun de planification familiale entre conjoints ?
Pour aborder ces questions, nous utilisons, dans cette communication, les données des
Enquêtes Démographie et Santé (EDS ou DHS) réalisées en 1993 au Burkina Faso et en
1995/96 au Mali. Le cas du Ghana (EDS 1993), où la fécondité a commencé à diminuer,
est utilisé à des fins de comparaison. Une première partie compare les attentes des
hommes à celles des femmes, en matière de fécondité et de contraception. La deuxième
partie examine la demande contraceptive des couples, en comparant les attentes des époux
et en analysant les déterminants d'une demande convergente en matière de planification
familiale.
Les résultats suggèrent l'articulation de deux logiques de reproduction différentes,
l'une exprimée par les anciennes générations, l'autre par les jeunes générations.
Les femmes des anciennes générations sont les seules à exprimer clairement un besoin en
matière de contraception. Ces femmes ont déjà atteint une descendance nombreuse ; la
moitié d'entre elles déclarent ne plus vouloir d'enfants mais ne pratiquent aucune
méthode contraceptive. Leurs maris sont par contre beaucoup moins nombreux à souhaiter
limiter leur descendance. Finalement, rares (10 %) sont les couples dont les deux
conjoints expriment une même demande de limitation des naissances. De plus, même dans
cette minorité, la convergence ne résulte pas d'un dialogue entre conjoints : les
époux ont les mêmes opinions parce qu'ils sont issus du même milieu social (la
minorité urbaine scolarisée) et non parce qu'ils défendent un projet familial élaboré
en commun. Au sein de ces générations anciennes, dans les pays du Sahel, les hommes
jouent apparemment un rôle décisif dans l'adoption de la contraception : il est
rare qu'une femme utilise une méthode contraceptive si son mari exprime d'autres
préférences en matière de fécondité.
La situation semble différente pour les jeunes générations. Leur demande en matière de
limitation des naissances est encore faible au moment de l'enquête parce qu'elles sont en
début de vie féconde. Mais une proportion notable de ces jeunes, hommes comme femmes (de
40% à 60% selon le pays et les sexe), déclarent souhaiter utiliser une méthode
contraceptive dans le futur. La convergence sur une utilisation future de contraception
concerne un cinquième à un tiers des couples et est plus souvent lié à des
caractéristiques conjugales, au dialogue dans le couple et à une attitude favorable à
la planification familiale.