(*) Directeur de recherche à l'INED, (**) Chargée de recherche à l'INED.
L'exposé a été retransmis en direct puis en différé sur internet (audio)
Une présentation au Xe congrès d'Abidjan (décembre 97) est disponible à l'adresse http://sauvy.ined.fr/~brouard/sida/abidjan-dec97/brouardb392/brouard-abidjan-without-comment/index.htm
Les conséquences démographiques de l'épidémie de SIDA en Afrique sub-saharienne ont été étudiées dans un modèle de populations stables décrit dans l'ouvrage "Populations africaines et SIDA", La Découverte/CEPED (aussi accessible sur Internet : http://sauvy.ined.fr/popafsi). Il apparaît quune prévalence du VIH même très élevée, de lordre de 15%, ne ferait baisser la croissance de la population que de 1% (passant de 3% à 2%) alors quelle réduirait lespérance de vie de près de 15 ans. Ce maintien dune croissance fortement positive est lié au niveau très élevé de la fécondité. Pourtant, dans certains pays dAfrique centrale et australe, on assiste récemment à une baisse importante de la fécondité passant de 6-8 enfants par femmes à moins de 4.
Nous avons examiné les conditions menant à une croissance négative : une fécondité inférieure à 4 enfants, une prévalence du VIH supérieure ou égale à 18%, une durée dincubation inférieure ou égale à 8 ans, et une transmission verticale supérieure ou égale à 30%.
Les paramètres les plus sensibles sont la fécondité et la prévalence. A un niveau national, il est assez improbable datteindre une prévalence du VIH de plus de 18% alors quun niveau de fécondité de moins de 4 enfants par femme est déjà atteint dans certains pays. La mortalité élevée par SIDA abaisse lâge moyen à la naissance des enfants et contribue à l'instabilité générale par une plus forte croissance si la fécondité est forte, mais également à une plus forte décroissance si la fécondité est inférieure à 4 enfants par femme. Le régime démographique qui assurerait donc une croissance moins soumise aux aléas d'une fécondité mal connue en présence d'une épidémie importante, doit donc combiner une réduction de la fécondité, une réduction de la prévalence du VIH et une augmentation de lâge moyen à la naissance des enfants.
Une politique de prévention du VIH intégrée à un programme de planning familial axée sur les classes dâges jeunes modifierait ces 3 facteurs clés de façon positive. Elle permettrait aux femmes, en reculant lâge des premières naissances, de poursuivre leurs études tant à l'école qu'à l'université. La compétition inégalitaire et inutile des femmes sur le marché matrimonial en raison d'un fort écart d'âge moyen qui contribue à leur surnombre serait réduite. Les femmes, rendues plus indépendantes tant du point de vue économique que sexuel, pourraient devancer le sens de l'Histoire en épousant plus massivement des hommes plus jeunes qui seraient ainsi en plus grand nombre et moins infectés en moyen en raison d'une vie sexuelle plus courte. La première guerre mondiale a prouvé qu'en France une réduction importante de l'écart d'âge moyen, de 5 ans à 3 ans entre avant et après 1919, n'affectait pas particulièrement les relations de couple.