Etude de la survie de patients insuffisants chroniques rénaux en phase terminale aux Etats-Unis

 

Aline Désesquelles

 

L'accroissement de l'espérance de vie observée dans les pays développés au cours du XXème siècle, témoigne des progrès prodigieux effectués par la médecine au cours de ce siècle, dans le domaine de la prévention comme dans celui du traitement des maladies. Certaines pathologies autrefois mortelles ont ainsi pu être guéries tandis que d'autres sont devenues des maladies chroniques. C'est notamment le cas de l'insuffisance rénale terminale dont la prise en charge a été marquée au cours des années 50 par deux innovations majeures. Cela fera bientôt 50 ans que la technique de dialyse permet à ces patients d'échapper à une mort rapide. La première transplantation rénale réussie remonte quant à elle à un peu plus de 45 ans.

 

Que sait-on aujourd’hui de la survie des patients insuffisants rénaux en phase terminale ? Aux Etats-Unis, ces patients bénéficient depuis la fin des années 60 d’une prise en charge totale de leur traitement. A la différence du programme Medicare, le Medicare End Stage Renal Disease Program n'est pas uniquement réservé aux personnes âgées d'au moins 65 ans. En sont cependant exclus les personnes n’ayant pas droit à la sécurité sociale ainsi que certaines catégories de la population bénéficiant de couvertures spécifiques (veterans, travailleurs agricoles). La mise en œuvre de ce programme a été à l’origine de la création d’une base de données qui recense les cas diagnostiqués d’insuffisance rénale terminale. Tous les patients enregistrés sont suivis du diagnostic au décès.

 

Grâce à ce dispositif, il nous a donc été possible d’étudier la survie des patients insuffisants rénaux aux Etats-Unis. Les résultats sont ici regroupés dans deux parties :

une première partie épidémiologique consacrée à l’étude des facteurs pronostics de la survie de ces patients ;

une seconde partie plus démographique dans laquelle, après avoir mesuré les gains en espérance de vie au diagnostic redevables à la dialyse et la transplantation , nous avons tenté d’établir un lien entre les évolutions observées et le vieillissement démographique.

Avant d’aborder ces différents points, quelques précisions sur la base de données Médicare ainsi qu’une brève description du profil des patients s’imposent.

 

Quelques précisions sur la base de données Medicare

 

Au 31 mars 1994, un peu de plus de 650 000 personnes atteintes d'insuffisance rénale terminale ont bénéficié du programme Médicare. C'est sur un échantillon aléatoire représentant 10% de cette population que nous avons effectué notre analyse. La date de diagnostic ne figure pas explicitement parmi les variables de la base. On dispose en revanche de la "date de premier service". Y a-t-il équivalence entre les deux dates ? Il est possible que le médecin ait reporté ici la date de la toute première dialyse jamais subie par le patient et non la date d'entrée en phase d'insuffisance rénale terminale. Dans le cas des personnes âgées de moins de 65 ans au moment du diagnostic la question est plus épineuse. Un délai de 90 jours est en effet nécessaire pour que ces personnes soient reconnues " éligibles " pour le programme Medicare. La date de premier service est-elle alors la date de diagnostic ou la date d’admission dans le programme Medicare ?

 

En l’absence d’informations satisfaisantes sur ces deux points, nous avons supposé qu’il y a identité entre date de diagnostic et date de premier service. L’existence de ce délai de 90 jours entre le diagnostic et l’admission dans le programme Medicare a une autre conséquence. Toutes les personnes diagnostiquées avant leur 65ème anniversaire et décédées avant ce délai de 90 jours échappent en effet à notre observation. De ce fait, la mortalité des patients diagnostiqués à moins de 65 ans est sous-estimée et l’on peut craindre que les patients décédés dans les 90 premiers jours qui ont suivi le diagnostic, présentent des caractéristiques différentes de ceux qui ont survécu jusque là.

 

La Sécurité Sociale Américaine (SSA) qui gère la base de données Medicare considère que les événements survenus dans la vie de ces patients (dialyse, décès, transplantation) lui sont transmis avec un retard maximal de 15 mois. Disposant de la mise à jour de la base au 31 mars 1994, nous avons donc considéré que tous les événements survenus avant le 1er janvier 1993 ont été signalés à la SSA. Pour disposer d’un suivi sur une période d’au moins un an après le diagnostic, nous n’avons pris en compte que les personnes diagnostiquées avant le 1er janvier 1992. Nous nous sommes d’autre part limités aux personnes diagnostiquées après le 1er janvier 1977. Le statut de ces patients est donc connu avec certitude jusqu'au premier anniversaire de leur diagnostic pour les personnes diagnostiquées en 1991 et jusqu'au 15ème anniversaire de leur diagnostic pour celles diagnostiquées en 1977.

 

Profil des patients insuffisants rénaux en phase terminale

 

Le tableau n°1 donne l’incidence et la prévalence de l’insuffisance rénale terminale selon l’âge, le sexe et la " race " en 1988. Ces deux indicateurs sont plus élevés chez les noirs que chez les blancs , chez les hommes que chez les femmes. Ils augmentent également avec l’âge. ¾ des patients étaient âgés d’au moins 45 ans au moment du diagnostic. Il s’agit donc avant tout d’une maladie de l’âge adulte et de la vieillesse(cf.tableau n°2). Si l’insuffisance rénale peut résulter d’une anomalie congénitale, elle est plus fréquemment la conséquence de pathologies qui traduisent une usure des organes ou un dérèglement du métabolisme (diabète, hypertension) (cf.tableau n°3).

 

Tableau n° 1 : Incidence en 1988 et prévalence au 31 décembre 1988 par groupe d’âge, " race " et sexe (taux pour 1 million)

 

Incidence en 1988

Prévalence au 31/12/1988

Moins de 20 ans

20-44 ans

45-64 ans

65-74 ans

75 ans et plus

12

82

291

492

406

57

489

1201

1478

1007

Blancs

Noirs

Autres

117

333

?

467

1409

835

Hommes

Femmes

164

131

665

530

Ensemble

147

596

 

Tableau n° 2 : Répartition selon l'âge au diagnostic de l'ensemble des patients diagnostiqués avant le 1er janvier 1992 et des patients transplantés avec succès.

 

Ensemble des patients

Patients transplantés avec succès

0-19 ans

3%

12%

20-44 ans

23%

59%

45-64 ans

38%

29%

65 ans et plus

36%

1%

Total

100%

100%

 

 

Deux types de dialyse sont proposés à ces patients : l'hémodialyse et la dialyse péritonéale. Cette dernière technique est préférée à la première lorsque le patient aspire à plus d’indépendance (dialyse à domicile) ou ne peut bénéficier d’une hémodialyse en raison de problèmes vasculaires. Un patient peut évidemment changer de type de traitement au cours de sa vie. Les résultats présentés dans le tableau n°6 concernent le traitement le plus récent suivi par le patient. Dans la suite de l’étude nous n’avons également pris en compte que ce dernier traitement.

 

Tableau n° 3 : Répartition des patients diagnostiqués avant le 1er janvier 1992 selon l'âge au diagnostic et la pathologie à l'origine de l'insuffisance rénale

Age au diagnostic

Diabète

Néoplasme

Néphrite, néphrose, syndrome néphrotique

Anomalie congénitale

Autre pathologie du système urinaire

Hypertension

Autre

Inconnue

 

0-19 ans

1.8%

0.2%

32.4%

17.1%

8.7%

3.3%

10.5%

26.2%

100%

20-44 ans

26.7%

0.4%

25.3%

4.9%

2.6%

14.1%

7.3%

18.9%

100%

45-64 ans

32.3%

1.1%

14.5%

5.4%

2.8%

19.6%

3.0%

21.3%

100%

65 ans et plus

24.9%

1.8%

14.2%

2.3%

5.5%

34.3%

2.7%

14.3%

100%

 

 

Tableau n° 4 : Proportion de patients de sexe masculin selon le groupe d'âge au diagnostic parmi l'ensemble des patients diagnostiqués avant le 1er janvier 1992

 

% hommes

0-19 ans

55%

20-44 ans

59%

45-64 ans

52%

65 ans et plus

53%

 

 

Tableau n° 5 : Répartition des patients diagnostiqués avant le 1er janvier 1992 selon l'âge au diagnostic et la "race"

 

Blanc

Noir

Autre

Total

0-19 ans

65%

16%

19%

100%

20-44 ans

61%

30%

9%

100%

45-64 ans

60%

30%

10%

100%

65 ans et plus

73 %

22%

5%

100%

 

Tableau n° 6 : Répartition des patients diagnostiqués avant le 1er janvier 1992 selon l'âge au diagnostic et le type de traitement suivi

 

Hémodialyse

Dialyse péritonéale

Transplantation

Total

0-19 ans

34%

19%

47%

100%

20-44 ans

56%

13%

31%

100%

45-64 ans

77%

14%

9%

100%

65 ans et plus

88%

12%

<1%

100%

 

Tableau n° 7 : Proportion de patients vivants au 31 décembre 1988 ayant bénéficié d’une transplantation selon l’âge, le sexe et la " race "

 

Proportion de patients transplantés

Moins de 20 ans

20-44 ans

45-64 ans

65 ans et plus

56%

44%

22%

2%

White

Black

Asian

Native American

30%

14%

29%

24%

Hommes

Femmes

28%

21%

Ensemble

25%

 

 

Tableau n° 8 : Durée moyenne écoulée entre le diagnostic de l'insuffisance rénale et la transplantation

Age au diagnostic

Moins de 20 ans (n=653)

20-44 ans

(n=3282)

45-64 ans

(n=1616)

65 ans et plus (n=73)

Durée moyenne écoulée entre le diagnostic et la transplantation

 

29 mois

 

24 mois

 

23 mois

 

15 mois

 

La transplantation est évidemment le traitement le plus efficace et aussi le moins coûteux (environ 20,000 $ contre 28,000 $ par an pour un patient sous dialyse) mais elle dépend de la disponibilité de greffons compatibles. Les durées moyennes présentées dans le tableau n°8 sous-estiment les temps d’attente puisque certains patients sous dialyse au 1er janvier 1993 sont susceptibles d’être transplantés plus tard. Chez les personnes diagnostiquées à moins de 65 ans, ces temps d’attente dépassent donc deux ans.

Au 31 décembre 1988, ¼ des patients insuffisants rénaux étaient des transplantés. Cette proportion varie fortement d’un groupe à l’autre : les patients diagnostiqués à plus de 45 ans et les noirs sont beaucoup plus rarement transplantés que les patients diagnostiqués plus jeunes et les autres groupes " raciaux ". Pour la période la plus récente, le taux de réussite des transplantations est peu dépendant de l’âge au diagnostic (voir tableau n°9). Ce taux de réussite s’est très significativement accru entre 1977 et 1993.

 

Tableau n° 9 : Pourcentage de transplantations réussies selon l’âge au diagnostic et l’année de la transplantation

Année de la transplantation

Moins de 20 ans

20-44 ans

45-64 ans

1977 à 1980

52%

43%

35%

1981 à 1984

56%

54%

52%

1985 à 1989

59%

58%

62%

1990 à 1993

70%

71%

71%

Ensemble

61%

60%

62%

Test Chi2

(seuil 5%)

P<0.001

P<0.001

P<0.001

 

 

Facteurs pronostics de la survie des patients insuffisants rénaux en phase terminale

 

Nous avons eu recours à un modèle de Cox pour étudier l’effet propre de différentes variables figurant dans la base de données Medicare sur la survie des patients insuffisants rénaux. Nous avons étudié séparément le cas des personnes diagnostiquées à moins de 65 ans et à 65 ans et plus. L’analyse a porté sur des échantillons de taille importante : 27 791 individus pour les patients diagnostiqués à moins de 65 ans entre le 1er janvier 1977 et le 1er janvier 1992 et 15724 individus pour les patients diagnostiqués à 65 ans et plus entre les 1er janvier 1977 et le 1er janvier 1992. Dans un premier modèle, nous avons étudié la survie de tous les patients indépendamment de leur statut transplantationnel en ne prenant en compte comme censure que la fin d’observation. Dans un deuxième modèle, nous avons étudié la survie des patients sous dialyse en considérant toutes les transplantations réussies comme des données censurées.

 

Personnes diagnostiquées à moins de 65 ans (voir tableaux 10 et 11 ).

 

Toutes choses égales par ailleurs, on n’observe pas d’effet de l’âge au diagnostic sur la survie. Les femmes ont une survie meilleure que les hommes. Il en va de même des noirs par rapport aux blancs, des patients traités par hémodialyse par rapport aux patients sous dialyse péritonéale. En ce qui concerne la pathologie à l’origine de l’insuffisance rénale, la survie des patients atteints d’une pathologie du métabolisme (essentiellement le diabète) ne diffère pas de celle des patients présentant une tumeur (néoplasme), mais elle est moins bonne que celle des patients atteints d’hypertension, d’une pathologie du système urinaire, d’une néphrite, néphrose ou d’un syndrome néphrotique, ou encore d’une pathologie congénitale. Toutes choses étant égales par ailleurs, la survie des patients insuffisants rénaux ne s’est quasiment pas améliorée au cours de la période 1977-1992. Ce résultat vaut aussi bien pour les patients sous dialyse que pour les patients transplantés avec succès, et ce en dépit des progrès effectués dans le domaine de l’immunosuppression. Il est vraisemblable que ces progrès se soient plutôt traduit par une augmentation des chances de succès des transplantations, que nous avons signalée précédemment.

Patients diagnostiqués à moins de 65 ans

Tableau n° 10 : Risque relatif de décéder (Modèle 1 : Censure= fin d’observation)

 

 

Risque relatif de décéder

P value

I.C. (5%)

Année du diagnostic (par année supplémentaire écoulée)

0.993

**

0.989-0.998

Age au diagnostic (par année supplémentaire)

1.019

***

1.018-1.021

Patients transplantés avec succès

0.344

***

0.314-0.376

Année de la transplantation (par année supplémentaire écoulée)

0.990

***

0.989-0.991

Hémodialyse vs dialyse péritonéale

0.866

***

0.831-0.902

Noirs vs Blancs

0.765

***

0.738-0.794

Femmes

0.815

***

0.789-0.842

Néphrite, néphrose, syndrome néphrotique vs Maladie du métabolisme

0.498

***

0.473-0.524

Néoplasme vs Maladie du métabolisme

1.139

n.s

0.977-1.328

Pathologie congénitale vs Maladie du métabolisme

0.358

***

0.328-0.391

Maladie du système urinaire vs Maladie du métabolisme

0.462

***

0.418-0.511

Hypertension vs Maladie du métabolisme

0.602

***

0.575-0.632

*** :p<0. 0001, ** p<0.005, * p<0.05

 

Patients diagnostiqués à moins de 65 ans

Tableau n° 11 :Risque relatif de décéder (Modèle 2 : Censure = fin d’observation + transplantation réussie)

 

Risque relatif de décéder

P value

I.C. (5%)

Année du diagnostic (par année supplémentaire écoulée)

0.992

**

0.988-0.997

Age au diagnostic (par année supplémentaire)

1.033

***

1.032-1.034

Hémodialyse vs dialyse péritonéale

0.849

***

0.814-0.885

Noirs vs Blancs

0.825

***

0.795-0.856

Femmes

0.850

***

0.822-0.876

Néphrite, néphrose, syndrome néphrotique vs Maladie du métabolisme

0.458

***

0.435-0.482

Néoplasme vs Maladie du métabolisme

1.232

*

1.057-1.437

Pathologie congénitale vs Maladie du métabolisme

0.317

***

0.289-0.348

Maladie du système urinaire vs Maladie du métabolisme

0.475

***

0.428-0.526

Hypertension vs Maladie du métabolisme

0.582

***

0.555-0.611

*** :p<0. 0001, ** p<0.001, * p<0.01

Le risque de décéder des patients transplantés est trois fois plus faible que celui des patients non transplantés. Peut-on considérer une greffe comme une guérison ? Dans le cas de patients dont l’insuffisance rénale terminale résulte d’une glomérulonéphrite ou d’une anomalie congénitale, il est possible que la survie des patients transplantés soit identique à celle de la population générale de même âge, mais ceci n’est assurément pas le cas des patients atteints de diabète ou d’hypertension, qui sont d’ailleurs moins fréquemment transplantés (voir tableau n°12).

 

Tableau n° 12 : Comparaison des caractéristiques des patients transplantés et des patients restés sous dialyse selon l'âge au diagnostic.

Age au diagnostic

 

Transplantations réussies

Patients sous dialyse

Test Chi2

 

 

 

 

 

Moins de 20 ans

%hommes

%blancs

%hémodialyse

 

%néphrite, néphrose, syndrome néphrotique

%hypertension

%anomalie congénitale

%néoplasme

%diabète

 

58%

71%

68%

 

43%

 

3%

28%

<1%

1%

51%

60%

73%

 

45%

 

6%

18%

<1%

<1%

*

***

*

 

 

 

***

 

 

 

 

 

 

 

 

 

20-44 ans

%hommes

%blancs

%hémodialyse

 

%néphrite, néphrose, syndrome néphrotique

%hypertension

%anomalie congénitale

%néoplasme

%diabète

 

60%

75%

79%

 

38%

 

12%

9%

<1%

31%

59%

55%

81%

 

28%

 

20%

5%

<1%

34%

n.s.

***

*

 

 

 

***

 

 

 

 

 

45-64 ans

%hommes

%blancs

%hémodialyse

 

%néphrite, néphrose, syndrome néphrotique

%hypertension

%anomalie congénitale

%néoplasme

%diabète

 

63%

75%

83%

 

32%

 

20%

18%

<1%

24%

51%

60%

89%

 

17%

 

25%

6%

2%

43%

***

***

*

 

 

 

***

 

 

 

 

1 : pour la ;pathologie à l’origine de l’insuffisance rénale, il s’agit de la répartition pour ceux dont cette pathologie est connue .

* : significatif au seuil 0.05 ; *** : significatif au seuil 0.001

 

Y a t’il en outre un phénomène de sélection des patients les plus robustes parmi les patients transplantés ? On pourrait aussi imaginer qu’au contraire on transplante en priorité les patients qui en ont le besoin le plus urgent parce que la transplantation est devenue pour eux la seule thérapie envisageable. Lorsque l’on compare les caractéristiques des patients transplantés et des patients sous dialyse, on observe des différences significatives en ce concerne l’âge et la pathologie à l’origine de l’insuffisance rénale. Cette sélection n’est pas nécessairement une sélection sur la robustesse des individus. " L’offre " de greffons étant limitée, il faut faire des choix . On peut dès lors penser que l’on transplante en priorité les patients jeunes et les patients pour lesquels la transplantation apportera une réelle amélioration des conditions de vie. Ce problème de la disponibilité de donneurs compatibles pourrait aussi expliquer l’inégale répartition selon le sexe et la " race " des patients transplantés et des patients sous dialyse.

 

Personnes diagnostiquées à 65 ans et plus (voir tableaux 13 et 14 )

 

Chez les patients diagnostiqués à 65 ans et plus, on trouve des résultats similaires à ceux obtenus chez les personnes diagnostiquées à 65 ans et plus, mais les effets des différentes variables sont moins forts.  Toutes choses étant égales par ailleurs, la survie des femmes est meilleure que celle des hommes, de même que celle des noirs par rapport aux blancs, des patients sous hémodialyse par rapport à ceux sous dialyse péritonéale. On n’observe pas non plus d’effet de l’âge au diagnostic, ni de l’année de diagnostic. Le risque relatif de décéder des patients transplantés vaut 0.498 mais l’intervalle de confiance est trop large pour que l’on puisse en tirer des conclusions. On retrouve enfin, en ce qui concerne la pathologie à l’origine de l’insuffisance rénale, la même hiérarchie des risques que celle observée chez les patients diagnostiqués à 65 ans et plus.

 

Patients diagnostiqués à 65 ans et plus

Tableau n° 13 : Risque relatif de décéder (Modèle 1 : Censure= fin d’observation)

 

 

Risque relatif de décéder

P value

I.C. (5%)

Année du diagnostic (par année supplémentaire écoulée)

1.008

***

1.003-1.013

Age au diagnostic (par année supplémentaire)

1.040

**

1.036-1.043

Patients transplantés avec succès

0.498

*

0.245-1.010

Année de la transplantation (par année supplémentaire écoulée)

0.987

***

0.982-0.992

Hémodialyse vs dialyse péritonéale

0.899

***

0.854-0.946

Noirs vs Blancs

0.742

***

0.710-0.775

Femmes

0.908

***

0.877-0.940

Néphrite, néphrose, syndrome néphrotique vs Maladie du métabolisme

0.680

***

0.642-0.722

Néoplasme vs Maladie du métabolisme

1.294

***

1.138-1.470

Pathologie congénitale vs Maladie du métabolisme

0.582

***

0.516-0.617

Maladie du système urinaire vs Maladie du métabolisme

0.691

***

0.636-0.750

Hypertension vs Maladie du métabolisme

0.808

***

0.771-0.846

*** p<0. 0001, ** p<0.005, * p<0.05

 

Patients diagnostiqués à 65 ans et plus

 

Tableau n° 14 : Risque relatif de décéder (Modèle 2 : Censure = fin d’observation + transplantation réussie)

 

Risque relatif de décéder

P value

I.C. (5%)

Année du diagnostic (par année supplémentaire écoulée)

1.003

n.s

0.998-1.008

Age au diagnostic (par année supplémentaire)

1.041

***

1.037-1.044

Hémodialyse vs dialyse péritonéale

0.894

***

0.850-0.941

Noirs vs Blancs

0.743

***

0.712-0.777

Femmes

0.909

***

0.878-0.941

Néphrite, néphrose, syndrome néphrotique vs Maladie du métabolisme

0.678

***

0.639-0.719

Néoplasme vs Maladie du métabolisme

1.295

***

1.140-1.472

Pathologie congénitale vs Maladie du métabolisme

0.579

***

0.513-0.654

Maladie du système urinaire vs Maladie du métabolisme

0.689

***

0.634-0.748

Hypertension vs Maladie du métabolisme

0.806

***

0.770-0.845

*** p<0. 0001, ** p<0.005, * p<0.05

Epidémiologie de l'insuffisance chronique rénale et vieillissement démographique : Quel lien ?

 

Depuis la mise en place du Medicare End Stage Renal Disease Program, l'âge moyen au diagnostic n'a cessé de croître, passant de 50 ans en 1977 à 59 ans en 1993 (voir graphique n°1).

 

Graphique n°1 : Age moyen au diagnostic des insuffisants rénaux selon l'année de diagnostic

Cette évolution résulte à égale hauteur de l’accroissement différentiel de l’incidence de l’insuffisance rénale terminale qui a été beaucoup plus importante chez les personnes âgées de 65 ans et plus que chez les plus jeunes (voir tableau n°15), et de l’augmentation de la part des 65 ans et plus dans la population générale. Il en résulte également une augmentation de la prévalence de l’insuffisance rénale (182 cas pour 1 million au 31/12/1977 contre 596 cas pour un million au 31/12/1988) et un vieillissement de la population des insuffisants rénaux en phase terminale.

 

Tableau n° 15 :Variations relatives de 1982 à 1988 de l'incidence de l'insuffisance chronique rénale dans différents groupes d'âge

 

Variation relative de 1982 à 1988 de l'incidence de l'insuffisance chronique rénale selon le groupe d'âge

20-44 ans

+ 20%

45-64 ans

+ 39%

65-74 ans

+ 74%

Tous âges confondus

+ 50%

 

Pour calculer l'espérance de vie de ces malades, il faut pouvoir suivre une cohorte du diagnostic au décès jusqu'à l'extinction de cette cohorte. Cette condition est presque remplie dans les cohortes de diagnostic les plus anciennes et chez les personnes diagnostiquées à plus de 65 ans, pour lesquelles on dispose d'un suivi sur au plus 15 années. Dans ces cohortes, nous avons donc calculé le nombre moyen d'années gagnées par les insuffisants chroniques rénaux grâce aux nouvelles thérapies (cf. tableau n°16). Les transplantations étant peu fréquentes à ces âges, les gains constatés, qui sont au minimum de 2.4 années, sont essentiellement dus à la dialyse.

 

Dans les cohortes de patients diagnostiqués plus récemment ou plus jeunes, nous avons calculé les durées médianes de survie à partir de la date du diagnostic (cf tableau n°17). Les durées médianes de survie sont d'autant plus élevées que les patients ont été diagnostiqués jeunes. Ce résultat est le reflet de la fréquence plus élevée des transplantations chez les patients jeunes jeunes et d’une distribution plus favorable des pathologies à l’origine de l’insuffisance rénale terminale chez ces mêmes patients.

Les écart observés dans un même groupe d’âge au diagnostic, selon l’année de diagnostic sont-ils significatifs ? En utilisant un test du Log Rank, nous avons testé cette hypothèse. Le test ne s’avère significatif que chez les patients diagnostiqués à 35-44 ans, à 65-69 ans et à 80 ans et plus, mais aucune tendance claire, à l’amélioration ou au contraire à la détérioration de la survie, ne peut être mise en évidence.

 

Tableau n° 16 : Espérance de vie à partir du diagnostic d'insuffisance chronique rénale selon la cohorte de diagnostic et l'âge au diagnostic

Age au diagnostic

Année du diagnostic

Durée du suivi

65-69 ans

70-74 ans

75-79 ans

1977

15 ans

3.8 ans (98%)

3.0 ans (98%)

3.5 ans (100%)

1978

14 ans

3.3 ans (99%)

2.9 ans (98%)

-

1979

13 ans

-

2.9 ans (99%)

2.6 ans (100%)

1980

12 ans

-

2.8 ans (99%)

2.4 ans (99%)

1981

11 ans

-

2.6 ans (99%)

2.4 ans (99%)

 

Tableau n° 17 : Durée médiane (en années) écoulée entre le diagnostic et le décès selon l'année de diagnostic et l'âge au diagnostic

 

< 25 ans

25-34 ans

35-44 ans

45-54 ans

55-64 ans

65-69 ans

70-74 ans

75-79 ans

>= 80 ans

1977

> 15

11.9

10.0

4.9

3.7

2.8

1.9

1.7

*

1978

-

12.3

7.1

5.9

3.5

2.1

2.1

1.8

*

1979

-

> 13

10.6

5.8

3.9

2.6

2.0

1.8

*

1980

-

-

8.6

5.8

3.4

2.3

1.9

1.7

*

1981

-

-

9.5

6.3

3.6

2.6

1.8

1.5

*

1982

-

-

8.1

6.5

3.3

2.5

2.5

1.4

*

1983

-

-

> 9

5.4

3.6

2.3

1.8

1.5

1.5

1984

-

-

7.9

4.7

3.3

2.3

2.0

1.4

1.3

1985

-

-

-

5.2

3.2

2.3

1.8

1.6

1.2

1986

-

-

-

5.5

3.4

2.0

1.9

1.6

1.2

1987

-

-

-

> 5

3.5

2.3

1.9

1.4

1.0

1988

-

-

-

-

3.6

2.3

1.7

1.3

1.4

1989

-

-

-

-

> 3

2.5

1.9

1.7

1.3

1990

-

-

-

-

-

-

> 2

1.6

1.2

1991

-

-

-

-

-

-

-

-

> 1

- : durée du suivi insuffisante

* : effectifs insuffisants (moins de 50 patients)

 

Les tableaux précédents témoignent de l'effet positif des thérapies de l'insuffisance chronique rénale sur l'espérance de vie des malades. Quel est l'impact de ces décès "retardés" sur l'espérance de vie de la population générale ? Nous avons estimé l'espérance de vie à la naissance qui aurait été observée en 1990 si ces progrès thérapeutiques n'avaient été accomplis. Nous avons pour cela supposé :

Nous avons également corrigé l’effectif de la population moyenne en 1990 pour tenir compte de cette redistribution des décès. Les résultats de ce calcul sont présentés dans le tableau ci-dessous.

 

Tableau n° 18 :Espérance de vie à la naissance en 1990 compte tenu et en l'absence des techniques de dialyse et de transplantation

 

e0 réellement observé

e0 en l'absence de thérapies de l'insuffisance chronique rénale terminale

Hommes

71.6 ans

71.5 ans

Femmes

78.5 ans

78.4 ans

 

La prévalence de l’insuffisance rénale en phase terminale est trop faible pour que l'allongement de l'espérance de vie des insuffisants rénaux ait un impact visible sur l'espérance de vie à la naissance de la population générale. Notons toutefois que cet impact est ici sous-estimé car nous ne disposions que d'un classement des décès survenus aux Etats-Unis en 1990 par groupe d'âges quinquennaux et non par années d'âge. C'est aux âges élevés que ce manque de précision des données de mortalité est le plus dommageable. Ainsi, l'espérance de vie à 65 ans et plus, en l'absence des thérapies de l'insuffisance rénale, estimée avec ces données, est strictement égale à celle réellement observée en 1990. Nous aurions obtenu un résultat différent si les décès avaient pu être classés par années d'âge. C'est en effet aux âges élevés que la prévalence de l'insuffisance rénale est la plus élevée et en même temps que les gains en espérance de vie sont les plus faibles.

 

 

Bibliographie

 

Chronic Renal Disease-Causes, complications and treatment. Ed N.B.Cummings & S.K.Lahr. Plenum Medical Book Company, New York and London, 1985, 607 p.

 

United States Renal Data System - 1990 Annual Data Report- .

 

P.W. Eggers, Effect of Transplantation on the Medicare End-Stage Renal Disease Program. The New England Journal of Medicine, 1988, 318, 4, p 223-229.

 

R.A. Wolfe, F.K. Port, V.M. Hawthorne, K.E. Guire. A Comparison of Survival among Dialytic Therapies of Choice : In-Center Hemodialysis versus Continuous Ambulatory Peritoneal Dialysis at Home. American Journal of Kidney Diseases, 1990, XV, 5, p 433-440.